L'AI Act e(s)t le futur

Bon. Il faut qu’on parle de l’AI Act !

Et pas de manière scolaire ou studieuse. Je laisse ça aux modules d’e-learning. Non, je veux vous en parler comme j’en ai parlé avec mes amis y’a quelques jours. Parce que je pense pas qu’on se rende bien compte de ce qu’une législation comme ça dit du monde dans lequel on vit. Alors faites-vous un p’tit chocolat chaud, coupez la vidéo youtube que vous avez sur le côté et mettez-vous à l’aise… on va parler du présent.

Parce qu’en enquillant les 144 pages du texte, je suis tombé sur des trucs vraiment dingues. 

👉 Page 8, les législateurs considèrent que l’IA peut être utilisée pour manipuler les gens pour les pousser à adopter des comportements indésirables. On note que ça pourrait être facilité par la réalité virtuelle et par des interfaces cerveau-machine.

Pardon ???

➡️ En 1941, j’ai -55 ans et Isaac Asimov tape pour la première fois de l’histoire de l’humanité le terme robotic. L’année suivante, il publie la première nouvelle de son cycle Foundation. Dans cette nouvelle, Hari Seldon, le psychohistorien, utilise une science cognitive, sociale et mathématique pour prédire le futur probable grâce à l’accumulation et au traitement d’un nombre alors inimaginable de données.

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➡️ En 1982, j’ai -14 ans et William Gibson crée le cyberpunk. Il parle de cyberspace, d’icebreaker et d’implants cybernétiques. Deux ans plus tard, Case Johnson, le protagoniste de Neuromancer, hack les systèmes d’une station spatiale avec l’aide de la reproduction par intelligence artificielle de son ami et mentor, Flatline.

…Neuromancer a été tapé à la machine à écrire.

Aujourd’hui

Il y a encore 30 ans, les implants cybernétiques étaient du domaine de la science-fiction. Aujourd’hui, mon grand-père qui faisait une partie du trajet vers son école en chariot tiré par un cheval peut recevoir un appel téléphonique directement dans son implant auditif et recevoir des rappels par son assistant domotique.

Est-ce que vous avez vu les prothèses de Sarah de Lagarde ? Vous m’expliquez les différences concrètes avec les prothèses qu’on peut voir dans Cyberpunk 2077 ?

Plus tôt dans le mois (Septembre 2024), Noland Arbaugh a donné le premier coup cérémoniel dans un tournoi organisé par Chess.com, avec la présence notable de Gary Kasparov. Quel est le rapport avec la semoule vous me demandez ? Et ben, Noland est le premier humain à avoir été implanté avec une puce cérébrale lui permettant de contrôler un ordinateur par la pensée.

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Ok, du calme. Faisons le point :

✅ Cyberespace ? Check.
✅ Réalité virtuelle et augmentée ? Check.
✅ Prothèses cybernétiques ? Check.
✅ Interfaces cerveau-machine ? Check !
✅ Psychohistoire ? ...

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➡️ Octobre 2018. J’ai +23 ans et Shoshana Zuboff publie The Age of Surveillance Capitalism : The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power. Elle y détaille comment Facebook, Google et Amazon profitent de nos activités et pillent nos informations personnelles, créant d’immenses modèles de données capables de prédire nos envies, nos actions et nos pensées. Oui, moi aussi ça me rappelle quelque chose.

➡️ En 2019, je lis Mindfuck par Christopher Willie. Où j’apprends avec horreur l’étendue réelle de l’affaire Cambridge Analytica. Ou, comment les données récoltées sur les réseaux sociaux ont été transformées en la première arme de désinformation massive. Arme libérée sur les États-Unis au bénéfice de la campagne de Donald Trump. Le tout dans une entreprise de radicalisation de la population dont les effets se font encore ressentir aujourd’hui-même à quelques semaines de la troisième élection présidentielle depuis.

Asimov disait qu’il se trouvait un peu bête lorsque ses histoires devenaient réalité. Lorsqu’on lui demandait ce qu’il pensait d’avoir prédit avec succès le voyage dans l’espace et les stations spatiales, il expliquait avec humilité que lui s’était contenté d’écrire à propos de quelqu’un entrant dans un vaisseau et allant dans l’espace… Sans imaginer un seul instant la complexité d’un tel transfert.

À bien des égards, sa psychohistoire est du même acabit. Là où Hari Sheldon est capable de prédire la trajectoire probable de l’humanité, les IA actuelles sont capables de prédictions bien plus fines et complexes sur notre vie, nos envies, nos pensées. Et pire encore, elles sont capables de les manipuler.

On vit déjà dans un futur de science-fiction.

Tout ça pour dire qu'on ne se rend pas bien compte d’à quel point on vit déjà dans un futur de science-fiction. À mon grand désarroi, on est tout de même plus proche du ciel couleur télévision de Gibson que des sociétés éclairées d’Asimov.

Une dernière pour la route ?

👉 Page 83, Chapitre V, “Modèles d’IA à usage général”. Des règles sont mises en place pour reconnaître, classifier et avertir de l’existence d’IA à usage général. Qu’entendent-ils par IA générale ? Eh ben, il s’agit d’IA au moins aussi versatiles qu’un être humain et possédant des capacités telles qu’elles peuvent être considérées comme des risques systémiques. 

À bien des égards, une entité indépendante virtuelle, un ordinateur doté de sa personnalité propre, est la dernière des prédictions d’Asimov à ne pas être devenue réalité… pas encore.

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